Direct to consumer : le cas Nike

Direct to consumer : le cas Nike

LE D2C, qu'est ce que c'est ?

Rien de bien compliqué derrière ce terme que l’on retrouve partout aujourd’hui. Une vraie lubie oui, mais celle-là risque bien de se pérenniser. Il s’agit tout simplement d’une stratégie de vente directe au consommateur, sans intermédiaire. 

Mais si, vous savez… du circuit court ! De la même façon qu’on peut désormais aller récolter soi-même ses pommes dans le champ du fermier, sans passer par l’épicerie du coin de la rue, il est aujourd’hui possible de s’offrir à peu près n’importe quoi sans aucun intrus entre vous et votre marque bien aimée. Un choix que les consommateurs semblent plébisciter, 87% des américains déclarant en 2018 préférer acheter directement à la marque si l’option leur est donnée*.

C’est plus particulièrement le cas pour de nombreuses jeunes marques, les fameuses DNVB, quasi-exclusivement présentes sur internet avec leurs propres sites de e-commerce. Glossier dans la beauté, Sézane pour la mode ou encore Gemmyo et sa joaillerie pour ne citer qu’eux. De véritables success-stories qui n’ont pas manqué d’aiguiser l’appétit de bien plus gros poissons. 

Et rien de moindre que le géant américain de l’équipement sportif, Nike, forts de ses 36 milliards de $ de CA, qui annonce en 2017 une nouvelle stratégie baptisée : Consumer Direct Offense.

DE NIKE A L'AMAP, IL N'Y A QU'UN PAS

En effet, à la manière d’un fromager sarthois ravi de connaître un peu mieux sa chère clientèle en outrepassant Carrefour et Leclerc, Nike a décidé de venir à notre rencontre, nous, son public (ne mentez pas, nous possédons tous au moins une paire à la virgule). Cette stratégie commence par une rupture douloureuse, le leader de la sneaker se sépare de ses revendeurs multimarques locaux habituels, pour mieux se concentrer sur quelques piliers, comme Zalando, Foot Locker ou encore JD. D’autre part, un fort investissement est mis sur les boutiques en propres, et surtout le site e-commerce de la marque. 

Preuve en est, Nike poussera même l’idée encore plus loin en se retirant complètement d’Amazon en 2019, un pari osé au vu de la montée en puissance de la plateforme. 

Une stratégie mixte, joliment qualifiée de ‘Tales of two cities’, qui se veut en plus complémentaire, Foot Locker intégrant par exemple l’app Nike à son argumentaire de vente, une façon supplémentaire d’informer et divertir le consommateur. Le Swoosh ne s’arrête pas là et ouvre de nouveaux flagships à Paris, New York ou Shanghaï, nommés « House of Innovation » et promet assortiment infini de sneakers et immersion totale dans l’univers de la marque. 

L’accent est cependant mis sur le e-commerce, avec un usage judicieux de la data, une expérience utilisateur au top et de multiples services comme la personnalisation. Une stratégie qui s’avère d’autant plus gagnante en temps de crise sanitaire, les ventes online représentant 33% en 2020 contre 15% en 2019**. Pour accompagner ce traffic vers son site propre, Nike investit également massivement sur sa stratégie de contenu, par un savant mélange entre blogging, athlètes et artistes ambassadeurs et accompagnement sportif personnalisé. Une véritable invitation à passer le plus de temps possible dans l’univers Nike, référent lifestyle de votre vie sportive et au-delà. 

LES RAISONS D'UN TEL CHOIX

Après des décennies de relation avec des retailers du monde entier, qu’a pu bien pousser Nike à rompre pour mieux vendre en direct ? Il existe plusieurs avantages non négligeables au D2C : 

  • Une hausse mécanique de la rentabilité. En effet, quand on élimine l’intermédiaire et son profit, on peut réaliser une meilleure marge sur sa vente, ou baisser ses prix. 
  • Une capacité de réactivité dopée, sans intermédiaire il est d’autant plus aisée de réorienter son offre ou son discours en fonction de l’actualité du moment, d’opportunités à saisir, voire à corriger le tir en cas d’impair. 
  • Un meilleur contrôle de son image de marque. En contrôlant l’ensemble du parcours de son client, de la recherche d’information à la vente en passant par le divertissement, Nike peut s’assurer d’un discours cohérent et friction-less en tout point avec son client. 
  • De cette maîtrise globale de la relation client résulte un gain de data non négligeable. En effet, en orientant le traffic vers le site propre, analysant le comportement consommateur et scellant la vente en interne, Nike s’octroie une base de donnée complète permettant une connaissance profonde de son audience. Quand on connaît la prise d’importance exponentielle de la data ces dernières années, on salue ici un avantage distinctif et pérenne pour la marque à la virgule, à même de toujours mieux orienter ses activations. 

D2C, LE NOUVEL ELDORADO ?

Ça donne envie n’est-ce pas ? Vu comme ça, le D2C a tout bon, la vraie solution d’avenir. Cependant, comme bien souvent, un modèle n’est pas un ‘one size fits all’. La stratégie Direct To Consumer est un choix sujet à considération suivant les caractéristiques de votre marque, présentant certains désavantages : 

  • Le D2C implique de prendre en charge soi-même une plus grosse partie de la chaîne de valeur, une supply-chain plus conséquente et une expertise de la livraison cruciale. Un certain investissement pouvant venir atténuer la promesse d’une meilleure rentabilité. 
  • Des contraintes en terme de cyber-sécurité, la gestion d’un système de paiement et d’informations bancaires sensibles pour un consommateur toujours plus concerné par la protection de ses données et les risques de piratage. 
  • Tout simplement, la perte de l’expertise d’un retailer dont c’est le premier savoir-faire. Se lancer soi-même dans le subtil art du commerce ne s’improvise pas et l’expérience et la synergie apportée par un partenaire fiable et rodé à l’exercice ne sont pas à négliger. 
  • Enfin, passer à un modèle D2C revient à se placer en concurrent de ces mêmes retailers, peu de marques ayant les épaules de se mesurer aux géants Amazon et consorts. Une lutte à la David & Goliath est certes poétique, mais l’issue tourne malheureusement souvent à l’avantage du poids lourd. 
 

En définitive, l’émergence d’un nouveau modèle tel que le Direct To Consumer permet une plus grande diversité de choix quant à sa façon de toucher son client, et a ouvert la porte à une certaine émulation dans la relation commerciale au consommateur. Un mouvement à surveiller de prêt, mais un choix à bien considérer, en calculant le rapport risque / avantage d’une telle décision. Nul doute qu’un coaching bien mené saurait vous éclairer, à bon entendeur… 😉 

Thibaut Elijah, Consultant / Planneur Stratégique Brain&Heart

Sources 

* Brandshop Consumer Preference Survey ** Les Echos

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