Quand l’Alcool rencontre la Pop-Culture

Quand l’Alcool rencontre la Pop-Culture

Fin février, le géant du luxe LVMH dévoile un accord d’investissement avec le roi du rap Jay-Z, portant sur une participation à 50% dans sa maison de champagne Armand de Brignac. Acquise par l’artiste en 2014, la marque est estimée à environ 500 millions de dollars, et rejoint aujourd’hui des joyaux ancestraux de l’alcool comme le champagne Moët ou le cognac Hennessy au sein de l’écurie LVMH. 

Mais me diriez-vous, que vient donc faire un rappeur new-yorkais sur nos vignobles champenois ? Ce n’est pas un cas unique, loin s’en faut. Les vins et spiritueux, notamment français, ont pénétré la pop culture et les grands noms du secteur sont aujourd’hui connus par tous. De Miami à Shanghaï, Londres ou même Dubaï, les bulles et les liqueurs règnent en maître et enivrent toutes les têtes. Retour sur une phénomène où le flacon prend parfois le pas sur l’ivresse. 

La dimension culturelle de l’alcool

L’impact de l’alcool sur la société n’est plus à démontrer, certains scientifiques allant même jusqu’à prétendre que la culture de la bière est à l’origine de l’humanité comme groupe organisé. De la bière conviviale et populaire à l’hydromel des dieux grecs, du vin ferment de la culture française au pastis emblème méridional, les alcools à la charge symbolique forte sont légions. 

Le fait même de boire ou non de l’alcool suffit souvent à catégoriser une personne, d’outrancier et tabou dans certaines cultures, ou à l’inverse de rite de passage quasi obligé dans d’autres. On se cache pour boire son vin gris au Maroc quand on est marginalisé si on refuse la bière de fin de journée à Paris. Une société où l’on est sans cesse encouragés à prendre un « dernier verre », mais où l’alcoolisme est honteux, sale, désolant. 

Souvent, l’alcool que l’on boit en dit long sur nous. Au-delà des tops sur les réseaux sociaux à la « les buveurs de gin sont des psychopathes, la science le dit » ou « boire un cosmopolitan fait de toi une cruche », le choix d’une boisson est un réel barème socioculturel. La bière est populaire, le champagne élitiste. Le whisky est viril là ou le kir est plutôt féminin. Même un vin blanc un peu trop moelleux vous entraine dans la case « étudiant dans la fleur de l’âge » à vitesse grand V ! Parfois, c’est une communauté entière qui s’entiche d’un breuvage. Attardons nous sur la réelle histoire d’amour entre les afro-américains et le cognac. Saviez-vous que les États-Unis sont le premier marché mondial du cognac, avec près de 90 millions de bouteilles expédiées en 2018 ?* 

Parmi celles-ci, pas loin de 60 à 80% sont estimées être achetées par des afro-américains**. Pourquoi une telle appétence pour l’alcool charentais ? Et bien ça ne date pas d’hier. Même si certaines approches date du XIXème siècle, le cognac commence à vraiment se faire connaitre des Noirs américains avec la 2nde Guerre Mondiale. De nombreux soldats noirs sont stationnés dans le Sud-Ouest de la France et y découvrent le fameux alcool brun. Après leur retour outre-Atlantique, le cognac se diffusa peu à peu dans la population afro-américaine. Véritable marqueur identitaire, la consommation de Hennessy, Martell et consorts était un vrai pied-de-nez aux WASPs profitant de la ségrégation et plutôt amateurs de whiskys et bourbons locaux. Un attrait qui n’a pas diminué depuis lors.

Des étoiles aux vignobles, il n’y a qu’un pas

En effet, on ne compte plus les paroles de rap et R’n’B ou la liqueur de Charente est citée. Busta Rhymes, 2Pac, Lil’Wayne ou B.I.G, ils en sont fous. 

“Give me the Henny, you can give me the Cris.

 You can pass me the Remy but pass the Courvoisier.” 
Busta Rhymes
Rappeur américain

Au vu de leur sacro-sainte importance dans notre société, les vins et spiritueux ne pouvaient pas ne pas pénétrer la pop-culture. De la chanson aux films en passant par les défilés de mode, l’alcool est partout. L’effeuilleuse de luxe Dita Von Teese s’est fait connaître pour son célèbre bain dans une coupe de champagne géante et que serait la série Mad Men sans ses Old Fashioned ? 

Les effets sur les ventes sont tout sauf négligeables. La preuve, on ne boirait surement pas autant de vodka en Occident si ce n’était pour un acteur écossais. Ça vous surprend ? Et pourtant, il s’agit bien de Sean Connery dans son iconique rôle de James Bond qui réussit l’exploit de rendre désirable à l’Ouest un alcool russe en pleine guerre froide avec ses fameux vodka martinis. Aujourd’hui, nombreux sont les cocktails dont le succès peuvent être directement tracés à une production audiovisuelle. Citons le Cosmopolitan et Sex & The City ou encore le White Russian avec The Big Lebowski. 

L’alcool a bien envahi la pop culture. Mais l’inverse est aussi vrai. Loin est le temps où les vins et spiritueux étaient la chasse gardée de quelques vignerons et distillateurs aristocratiques, caste à mi chemin entre un lien paysan à la terre et la mondanité d’une socialite parisienne. Aujourd’hui, le marché est secoué par l’arrivée de nouveaux acteurs, au rang desquels certains sont illustres et bien connus. 

Brad Pitt et Angelina Jolie, feu power couple et amoureux de la France rachètent en 2011 la propriété de Miraval, exploitation viticole varoise et s’accompagnent d’un viticulteurs français pour lancer un rosé. Après une certaine phase de scepticisme, force est de constater que l’opération est réussi, le vin étant nommé en 2013 ‘meilleur rosé du monde’***. 

Mais Brangelina ne sont pas les seuls, loin s’en faut. Kate Hudson a sa vodka, Drake son whisky et George Clooney sa tequila. Même le fantasque chanteur de hard-rock Marilyn Manson a dévoilé en 2007 un absinthe distillée dans le paisible canton de Berne en Suisse. Quand alcool et célébrité s’allient, un curieux paradoxe n’est finalement jamais de trop. La prise de participation par LVMH dans la marque de champagne de Jay-Z laisse présager une réelle prise de conscience de l’attractivité des célébrités sur les ventes d’alcool, démontrant tant un marché en croissance qu’une changement des mentalités, le conservatisme élitiste de nos vignobles ne résistant pas bien longtemps à la perspective une bonne affaire. Seule une question demeure, qui sera le prochain ? 

Thibaut Elijah Lafargue, Consultant / Planneur Stratégique Brain&Heart

SOURCES : *BNIC **InvestDataBank ***WineSpectator

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