
19 Avr Jules & Celio : des jumeaux en plein renouveau
Jules et Celio, deux marques distinctes mais dont les trajectoires se croisent et s’interpellent. Deux griffes parmi les leaders de la mode masculine française, ces enseignes masculines font figure de piliers reconnus mais ont ces dernières années traversé des difficultés pour rester à la page dans une société mouvante.
Face à des hommes qui changent, elles ont dû s’adapter et renouveler leur stratégie. Comment s’adresser aujourd’hui à une cible réputée infidèle, et dont la définition de la masculinité est en pleine remise en question ?
Jules et Celio ont toutes deux opéré une refonte de leur identité, et expriment aujourd’hui le désir de se forger une nouvelle image. Un changement de vision stratégique dans sa globalité et une réelle analyse du marché permettent aujourd’hui à ses marques considérées comme vieillissantes de revenir dans la course. On enquête.

Un secteur en déclin, des marques vieillissantes
Celio, marque fondée en 1978 est depuis des années le leader sur le marché de la mode masculine en France, suivi sur le podium par Jules. Cette apparente réussite cache une réalité plus sombre : une perte de pertinence pour les deux marques depuis plusieurs années.
Le prêt-à-porter en lui-même constitue déjà un secteur de plus en plus sinistré en France depuis plus de 10 ans, avec près de 20% du chiffre d’affaires disparu*. Le versant masculin est d’autant plus restreint et reconnu comme difficile.
Le chiffre d’affaires de Jules accusait en 2018 une chute de 12%**. Guère mieux pour Celio avec -8%…**
Les deux griffes pour hommes accumulent en effet les désavantages face aux temps qui changent. Une image qui semblait figée depuis le début des années 2000, en dehors des tendances. Des réseaux de magasins certes puissants mais concentrés dans les zones industrielles et centres commerciaux de banlieue, plus nécessairement les espaces de flux les plus adaptés aujourd’hui.
Face à une concurrence toujours plus féroce des marques généralistes comme Zara ou H&M et des géants de l’internet à la ASOS, Celio et Jules étaient dans la nécessité de se reconnecter à leur cible, de mieux la comprendre et d’en appréhender les nouvelles problématiques. Car l’homme d’aujourd’hui n’est certainement plus celui d’il y a 10 ans…

Une masculinité chamboulée
Comme nous l’avons déjà étudié dans notre article sur la beauté masculine, on assiste à une véritable révolution dans le rapport que les hommes entretiennent à leur apparence, et même plus largement à leur masculinité.
L’image de l’homme qui ne sait pas s’habiller et se laisse conseiller, voire dicter son look par sa compagne n’est plus tellement le reflet de la réalité.
A l’ère des réseaux sociaux, de l’exposition à outrance et d’une pression toujours plus grande sur un idéal à atteindre, les hommes se soucient plus de leur apparence.
De même, le mythe d’une virilité négligée et sans artifices s’effondre, et nombreux sont ceux qui accordent de plus en plus d’importance à la mode et qui ne s’embarrassent plus de carcans et de clichés d’un autre temps. L’homme d’aujourd’hui s’assume dans sa complexité, s’engage pour les causes qui lui tiennent à cœur, et les marques se doivent de refléter et d’accompagner ce changement.
Les questions de société où les problématiques environnementales par exemple sont des sujets sur lesquels les marques sont attendues, et le tort parfois reproché à Jules et Celio est d’avoir été trop lisses, sans aspérités ou réelles convictions. Comme le dit l’adage, à trop vouloir plaire à tout le monde, on ne plaît plus à personne, et il s’est avéré crucial pour les deux enseignes de redéfinir leur positionnement et leurs prises de parole.

Une stratégie repenséE, retour vers le succès
Forts de ce constat, une véritable mue s’est opérée. Du design des points de vente à la communication digitale en passant par l’offre de produits, tout est repensé, questionné, harmonisé. Une refonte globale de l’identité de ces deux marques est mise en œuvre pour se réconcilier avec les hommes d’aujourd’hui.
Pour Celio, il a fallu retrouver ce qui faisait l’essence de l’enseigne : son twist. Derrière son côté classique et rangé, Celio s’est toujours revendiqué d’un brin de différence, un discret grain de folie. Sortir des sentiers battus et d’une normalité trop banale, pour capter chez les hommes cette envie d’expérimenter. La marque se place également en conseiller bienveillant, avec toujours l’idée de rassurer des hommes parfois effrayés par la mode, tout en leur permettant de s’aventurer hors de leur classicisme habituel.
La campagne “Twist It” incarne ce nouveau statement, se joue des codes établis et est une invitation à l’impertinence.
En parallèle de cette communication revisitée, Celio a revu son parc de magasins, se débarrassant des points les plus faibles et concentrant dorénavant son développement sur l’Asie, levier de croissance plus prometteur que le Vieux Continent.
Chez Jules, cette démarche de renouveau va beaucoup plus loin. La marque a fusionné avec Brice, sa consoeur du groupe HappyChic. Cette synergie de deux marques à l’offre et à la cible similaires a permis une plus grande puissance de frappe.
Le logo a été revu, les magasins redesignés, le site rafraîchi, un vent de modernité souffle sur la marque roubaisienne.
La marque, consciente des évolutions de la société, surfe aujourd’hui sur l’éco-responsabilité. Une offre revue avec une part large faite au coton recyclé, des engagements anti-gaspillage, des emballages zéro plastique et un claim d’humilité et d’amélioration permanente ont redoré une image cabossé par les dérives de la fast-fashion. Même le merchandising des magasins est aujourd’hui en textile recyclé !
Jules s’est offert le luxe d’un buzz médiatique fin 2020 avec sa campagne “Men in Progress” qui entendait bouger les lignes de la mode masculine, bousculer les mentalités et dire non à la masculinité toxique. Un joli pied-de-nez aux injonctions de la société sur ce qu’un homme doit être ou ne pas être, qui n’a pas manqué d’irriter les tenants d’une virilité plus traditionnelle.
Pour les deux marques, des efforts de branding et une remise en question globale qui ont payé, avec des chiffres d’affaires qui renouent avec la croissance, près de 500M€ en 2020 pour Celio et 427M€ pour Jules. Une nouvelle illustration qu’une marque qui sait se poser les bonnes questions, remettre en question son identité et navigue confiante avec une société qui change est une marque forte, durable. Des transitions parfois douloureuses sont nécessaires, mais elles sont bien souvent salutaires, et même nécessaires.
Des efforts qui ont payé, avec Celio a près de 500M€ de chiffre d’affaires en 2020**. Jules est deuxième sur le podium, avec 427M€**.
Thibaut Elijah Lafargue, Consultant/Planneur Stratégique Brain&Heart
Sources : *LSA **société.com
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